réflexion agriculture 2

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Comprendre les origines de la crise de l’agriculture française
pour construire une agriculture éco-responsable et humaine
Jean-Pierre Jouany et François Xavier de Montard
Directeurs de recherche honoraires de l’INRA
Membres de l’association GREFFE*

I- L’agriculture conventionnelle intensive, son historique et ses limites
L’intensification de l’agriculture a été mise en place à partir de 1950 pour pallier le déficit alimentaire de la France après la 2èmeguerre mondiale.

Elle a consisté à reformater et agrandir les surfaces cultivées pour les adapter à la mécanisation et la motorisation, à développer l’irrigation et drainer les
parcelles, à simplifier les assolements, à privilégier les monocultures de variétés sélectionnées pour leurs hauts rendements qui sont exigeantes en engrais de synthèse et en produits chimiques de protection contre les maladies, les ennemis des cultures et les plantes rudérales. Ces pratiques ont permis d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dès 1970. La France devint ensuite excédentaire ; toutefois, les responsables décidèrent de poursuivre cette orientation productiviste et d’exporter les excédents agricoles pour
équilibrer notre balance commerciale mise à mal par les importations de produits pétroliers et gaziers.

Lesproduits agricoles étaient alors considérés comme le « pétrole vert » de la France. Cinquante ans après cette décision, la situation de notre agriculture peut être qualifiée de difficile sur la base des critères décrits ci-après.

1. Le nombre d’exploitations a été divisé par trois entre 1970 et 2010 dans une France où le chômage pèse très lourd .
Les politiques de l’Union européenne et de la France depuis plus de 40 ans ont privilégié le développement des exploitations de grande taille fortement mécanisées et peu exigeantes en main d’oeuvre.

Ce choix a contribué à la disparition des petites et moyennes exploitations et, de facto, a grandement aggravé la désertification des campagnes et la situation du chômage dans notre pays. Il est intéressant de noter que l’ensemble des exploitations a diminué au cours des dernières années (Tableau1), mais que c’est encore le nombre de fermes de taille petite et moyenne qui a le plus baissé.
Tableau 1 – Nombre et taux de disparition des exploitations agricoles (1988-2000 et 2000-2010)
Nombre d’exploitations selon la dimension économique
Evolution en%
(en milliers d’exploitations) 1988 2000 2010 2000/1988 2010/2000
Petites exploitations 477 278 178 -41,7 -36,0
Moyennes et grandes exploitations 540 386 312 -28,5 -19,2
moyennes 393 218 151 -44,5 -30,7
grandes 147 169 162 +15,0 -4,1
France métropolitaine 1017 664 490 -34,7 -26,2
France (y comprisles DOM) 1067 699 515 -34,5 -26,3
[474 milliers d’exploitations ont été recensées en 2014] (Source : Agreste – Recensements agricoles 1988,2000 et 2010)
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*GREFFE : Groupe Scientifique de Réflexion et d’Information pour un Développement Durablewww.groupe-greffe.wix.com/groupe-greffe
Remarque liminaire : les principaux chiffres cités dans le texte sont extraits des rapports présentés à la Commission des comptes de
l’Agriculture de la Nation le 13 décembre 2016 et publiés dans « Agreste-Les Dossiers » n° 38 – février 2017
http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/dossier38_integral.pdfet
et des ‘Comptes nationaux provisoires de l’agriculture’ parus en juillet 2017 pour l’année 2016

Cliquer pour accéder à comptenational2017bspca.pdf

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2. Beaucoup d’agriculteurs connaissent de graves difficultés financières avec des investissements lourds, des coûts de production croissants et les prix de leurs produits sont soumis à une très forte pression des marchés

2.1 Les revenus des agriculteurs sont faibles (Figure 1, subventions incluses)
La plupart des exploitations agricoles survivent aujourd’hui grâce à l’apport des subventions européennes. C’est le cas général des producteurs de bovins, ovins, caprins, porcins. C’est aussi le cas des céréaliers lorsque les conditions climatiques ont été particulièrement mauvaises comme en 2014 et 2015.
(RCAI / Utans = Résultat Courant Avant Impôt / Unité de travail non salarié)

2.2 Le taux d’investissement a suivi une forte ascension depuis 1995, mais les dettes sont devenues trop lourdes par rapport aux résultats de l’exploitation
Le taux d’investissement des exploitations agricoles qui exprime le rapport de la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) à la valeur ajoutée brute a beaucoup augmenté depuis 1980. Le calcul de la FBCF intègre l’achat et l’obsolescence de bâtiments d’exploitation, de matériel, de cheptel, de plantations ; elle
n’inclue pas l’entrée et la sortie des terres. Depuis 1980 le taux d’investissement a évolué selon trois phases en France (Figure 2) : il est resté stable autour de 25% jusqu’en 1995, puis il a augmenté régulièrement jusqu’à 35% en 2006 et, enfin, il a connu de fortes fluctuations autour de 40% entre 2007 et2016.
Figure 2 – Taux d’investissement desexploitations agricoles en France
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A cet effort considérable d’investissement a répondu un excédent brut d’exploitation (EBE) insuffisant dû à la faiblesse des prix agricoles, de sorte que le poids de l’endettement (ratio de l’ensemble des remboursements sur l’excédent brut d’exploitation) a été de 45% en moyenne pour l’ensemble des
exploitations en 2015. La figure 3 permet d’analyser plus finement ces données : une grande variabilité apparait au sein de toutes les orientations mais, pour 9 orientations de production sur 14, la médiane du poids d’endettement est supérieure à 35%.
Figure 3 – Indicateur de dispersion du poids de l’endettement en 2015, par type de production
(Q1 = 1er quartile correspondant à 25 % des données ordonnées ; Q3 = 3ème quartile correspondant à 75 % des données ordonnées)
2.3 L’écart entre le coût des consommations intermédiaires et le prix des produits agricoles s’accroit régulièrement depuis 1980
Les consommations dites intermédiaires qui incluent l’énergie, les intrants, l’entretien du matériel et des bâtiments, touchent fortement les structures agricoles de grande taille. Or, la figure 4 indique clairement que les consommations intermédiaires augmentent régulièrement au cours du temps et évoluent plus vite que la courbe des prix agricoles. Cette situation montre précisément que la conduite d’agro-écosystèmes et d’élevages moins exigeants en consommations intermédiaires constitue une solution prometteuse. Elle tend à considérer que, parmi les petites et moyennes exploitations, celles qui réalisent un degré d’autonomie plus grand, seraient plus résilientes que les grands domaines.
Figure 4 – Prix comparés des produits agricoles et des consommations intermédiaires (1980-2016)
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2.4 Les subventions ne parviennent pas à compenser l’insuffisance des revenus d’un grand nombre d’exploitations et les salaires des agriculteurs restent trop faibles .
Selon le tableau 2, 53 % des exploitations agricoles ont eu un RCAI négatif en 2015 en l’absence de subventions. Les situations les plus critiques concernent les activités d’élevage. L’apport de subventions
corrige en partie le bilan des éleveurs, à l’exception des éleveurs porcins et des aviculteurs. Toutefois, 15 % des exploitations ne parviennent pas à avoir un RCAI positif après attribution des subventions.
Tableau 2 -Exploitations ayant un RCAI négatif avant et après subventions en 2015 ; montants moyens des RCAI
Cette situation s’explique largement par la non-maîtrise des prix de vente de leurs produits qui sont fixés par les centrales d’achat et par l’agro-industrie dans un contexte de marché mondial ouvert fortement concurrentiel. Ainsi, le salaire de l’ensemble des agriculteurs, exprimé en RCAI/Utans, est pour
l’année 2015 :
– inférieur à 6 952€ pour 25 % des exploitations (soit 579€ par mois avant impôt)
– compris entre 6952 et 19411€ pour 25 % (soit 579 à 1618 € par mois avant impôt)
– compris entre 19411 et 35507 € pour 25 % (soit 1618 à 2959 € par mois avant impôt)
– supérieur à 35 507 € pour 25 % (soit plus de 2959 € par mois avant impôt)
(Source des données : Agreste, Les Dossiers, n°38 février 2017, p105, « Indicateurs de dispersion du RCAI/Utans par orientation en 2015 »)
L’application en France de la PAC, pour la période 2015-2020, a introduit des correctifs notables en modifiant la répartition des aides (voir § 9.2) qui favorisent désormais le « paiement vert », l’installation des jeunes agriculteurs et qui incluent des paiements redistributifs appliqués à une surface limite.
3. Le mode de production actuel conduit à une dégradation de l’environnement1 (sol, eau, air) et de la santé des citoyens due à l’emploi massif d’intrants (engrais, pesticides)
1L’environnement fournit gracieusement les éléments nécessaires à la production agricole : le CO2 et l’énergie solaire pour la synthèse des produits carbonés, la fixation de l’azote par symbiose entre les bactéries du genre Rhizobium et les légumineuses, d’autres bactéries du sol et les mycorhizes des champignons pour la biodisponibilité des éléments nutritifs des plantes. Ainsi, la dégradation des milieux naturels due à l’usage d’intrants chimiques conduira immanquablement à une baisse de la productivité
agricole.
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Il est maintenant avéré que les produits agro-chimiques ont un effet délétère marqué à la fois sur l’environnement et sur la santé des citoyens. Dans ce tableau, les agriculteurs sont particulièrement touchés par les risques sanitaires.
Les résultats des enquêtes épidémiologiques rapportant la toxicité des pesticides utilisés massivement par l’agriculture (80.000 tonnes chaque année en France) ont fait l’objet de plusieurs rapports officiels récents particulièrement éloquents :
– Rapport du Sénat (2013) « Les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement »
– Rapport INSERM (2013) « Les pesticides, effets sur la santé »
– Rapport ANSES (2016) « Expositions professionnelles aux pesticides en agriculture »
– Journée INRA (08/12/2016) « Expositions aux pesticides utilisés en agriculture »
De fait, l’agrochimie tire de larges profits financiers de la vente des pesticides alors que les coûts de leurs effets délétères sur la santé et sur l’environnement sont supportés par la collectivité. Selon une étude
récente de chercheurs INRA, les pesticides rapportent 27 milliards $ à l’agro-industrie américaine alors qu’ils coûtent plus de 40 milliards $ aux finances publiques du pays (publié parD. Bourguet, T. Guillemaud
(2016) “The Hidden and External Costs of Pesticide Use”, Sustainable Agriculture Reviews, vol 19, 35-86).

4. L’industrialisation de l’agriculture est à l’origine d’émissions de grandes quantités de gaz à effet de serre (GES) qui peuvent être diminuées par de nouvelles pratiques agricoles .
Selon le rapport 2014 du GIEC, les activités agricoles totalisent à elles seules 33% des émissions mondiales de GES, (19% en France) bien avant l’industrie (19 %) ou l’approvisionnement énergétique (26 %). Ces 33% se déclinent en deux postes principaux : l’agriculture (14%) et la déforestation (19%). Des
trois principaux GES, le dioxyde de carbone (CO2) est produit à partir des sols lors des labours et par les machines autotractées, le méthane (CH4) est émis au cours du stockage des lisiers et par la digestion des ruminants, le protoxyde d’azote (N2O) est essentiellement généré lors de l’épandage des engrais azotés de synthèse.
On comprend que ces sources soient plus conséquentes dans un système intensif et très mécanisé de l’agriculture. Elles peuvent être réduites par de nouvelles pratiques culturales limitant l’usage du labour, maximisant le retour à l’herbe des ruminants, remplaçant les engrais minéraux azotés par la culture de légumineuses capables de fixer l’azote de l’air par la symbiose rhizobienne, et utilisant la traction animale autant que possible. La mise en place de cultures sous couvert et de l’agroforesterie, pratiques qui sont en
expansion, associée à un usage optimal des prairies pour l’élevage, permet de maximiser la séquestration du carbone atmosphérique dans le sol sous forme d’humus, un processus qui améliore les sols (porosité,
réserve en eau et en éléments nutritifs) et atténue le changement climatique.

5. L’agriculture intensive fournit des produits alimentaires de médiocre qualité à la fois
gustative et sanitaire pour satisfaire une demande massive de produits standardisés par les IAA
Les produits alimentaires végétaux ou animaux, natifs ou transformés, sont souvent contaminés par des produits toxiques (pesticides, perturbateurs endocriniens, résidus antibiotiques et hormonaux…). Les enquêtes épidémiologiques menées sur la population montrent la présence de dizaines de ces composés dans notre sang, y compris chez les enfants. Leurs effets sur la santé sont décrits comme terrifiants(voir l’ouvrage « Le cerveau endommagé » de Barbara Demeneix, publié chez Odile Jacob). Par exemple, les analyses réalisées sur les cheveux de 43 enfants de 10 à 15 ans traduisent la présence de 34 molécules de composés toxiques par échantillon (tableau 3 : données issues de la revue« 60 millions de consommateurs, mai 2017, n° 526 »).
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Tableau3–Plus de 30 composés toxiques sont présents dans le corps des enfants de 10 à 15 ans

6- Bilan de l’agriculture conventionnelle intensive et introduction vers une nouvelle agriculture
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, l’anthropocène, où tous les équilibres de la planète se trouvent bouleversés par l’action humaine. L’agriculture participe à ces déséquilibres et doit jouer un grand rôle dans la mise en place d’autres modes de développement dit « durable »(tels que le scenario Afterres 2050 de Solagro,les réalisations du CEDAPA ou des CIVAM…).
Les effets délétères des modes de production et de consommation actuels sur les milieux naturels et sur l’humanité commencent à être entendus par les citoyens, mais insuffisamment par les responsables politiques, économiques, syndicaux. L’évolution vers une agriculture capable de satisfaire les besoins
alimentaires mais également économe en énergie et en intrants, largement autonome en ressources, respectueuse de l’environnement, source d’emplois créatifs et de relations humaines revivifiées au sein d’un monde rural dynamique, doit être privilégiée. Les pionniers en la matière ne manquent pas
(agriculture biologique, permaculture, agroforesterie, cultures associées et diversifiées, association culture et élevage…).
Il ne faut pas attendre la chute prévisible des exploitations endettées et à fortes consommations intermédiaires, moyennes ou grandes, du fait de la forte concurrence des USA, du Brésil, du Canada, de l’Argentine, de l’Ukraine, pour mettre en place une nouvelle agriculture plus fermement soutenue par
l’Union européenne, qui permette aux « agriculteurs-paysans »de vivre décemment de leur travail sur des exploitations à taille humaine.

II- Vers une nouvelle agriculture écologique, économe, autonome,
diversifiée et humaine
L’origine des crises incessantes de l’agriculture française est donc structurelle et non conjoncturelle, ce dont les responsables nationaux et européens doivent absolument se convaincre de façon à réorienter à temps leurs politiques agricoles et agro-industrielles, une mutation qui aurait dû commencer dès les années 80, comme l’indiquent les figures 1, 2 et 4.
Il est déjà prévisible que la situation de délitement de nos exploitations agricoles sera aggravée dans un futur proche par les changements climatiques dont les impacts sur les productions (canicules,
sècheresses, inondations, grêle, tempêtes, ouragans, cyclones) seront considérables.

Par ailleurs, l’agriculture sera sollicitée dans des domaines autres qu’alimentaires. Par exemple, elle contribuera à la fourniture d’énergie et de produits (fibres textiles, polymères divers, isolants thermiques…) que la
pétrochimie pourra de moins en moins livrer du fait de l’épuisement progressif des réserves de pétrole et du coût croissant de son extraction.
Quels sont les critères auxquels devra répondre la nouvelle agriculture pour atteindre ses objectifs à la fois quantitatifs pour fournir suffisamment d’aliment à l’humanité et qualitatifs à l’égard de l’environnement, des produits alimentaires, de la vie des agriculteurs et des citoyens en général ?

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1. Comment préserver l’environnement à partir duquel l’agriculture tire ses ressources?
Inspirées de l’agroécologie2, les principales forces de la nouvelle agriculture consisteront à maximiser l’efficacité de l’apport des ressources naturelles renouvelables tout en préservant leur pérennité. La photosynthèse sera optimisée par une capture maximale de l’énergie solaire et du dioxyde de carbone, de même que la fixation symbiotique de l’azote par les bactéries du genre Rhizobium incluses dans les nodosités des racines des légumineuses. La biodisponibilité des éléments minéraux nutritifs sera améliorée par la stimulation des bactéries et champignons à mycorhizes du sol en veillant à leur apporter suffisamment de matière organique et en supprimant l’usage des fongicides et l’excès d’engrais minéraux.
L’eau pluviale sera gérée par évitement du ruissellement et entretien de la capacité de réserve du sol en y maintenant une teneur élevée d’humus et en évitant son compactage. Les apports d’engrais de synthèse seront limités au juste nécessaire et les pesticides seront remplacés par des méthodes
biologiques respectueuses de la vie des sols, de la qualité de l’eau et de l’air. Les céréales et les protéines nécessaires à l’élevage seront produites dans la proximité géographique ce qui réduira les importations (cas du soja en particulier) et les impacts négatifs des transports sur l’environnement.

2. Les pratiques culturales utilisant les associations et les rotations de cultures seront promues
Ces pratiques traditionnelles ont été abandonnées au profit de monocultures productives et mieux adaptées à la mécanisation. Les monocultures sont coûteuses en intrants et dangereuses pour l’environnement et la biodiversité

3. Les associations et rotations de cultures constituent un moyen de
lutter efficacement contre les prédateurs et les agents pathogènes nuisibles aux plantes cultivées. Elles permettent également d’améliorer la qualité des sols en regard des méthodes actuelles qui l’ont mise à mal (tassement dû aux machines, disparition d’organismes vivants imputable à l’usage de pesticides,
appauvrissement en humus et en matière organique…).
La suppression des pesticides (insecticides, fongicides) et des herbicides de synthèse nécessitera une approche plus sensible et complexe de la gestion de l’agro-écosystème ainsi qu’une attention plus grande des agriculteurs à l’égard du moindre risque pour leurs cultures ou leurs élevages Cela impliquera un accroissement du temps de réflexion et du temps de travail sur le terrain, surtout dans la phase de transition de l’ancien au nouveau système de production. Pour y répondre, un salaire pourrait être versé en fonction de l’effort d’adaptation demandé. Ce salaire, dégressif sur 5 ans, serait évalué à partir de la diminution de la quantité de pesticides achetés par ha cultivé. Le même principe d’une pénalité et d’une récompense financière s’appliquerait aux achats d’engrais azotés et, surtout ,à la surface dévolue aux
légumineuses pour renforcer la « santé climatique » de l’agro-écosystème.

3. La combinaison « élevage-polyculture » sera privilégiée au niveau de la ferme ou du territoire
L’intégration de l’élevage et de la culture au sein d’une même exploitation ou entre exploitations voisines, permet de développer l’autonomie de l’exploitation, de recycler en circuit court les déjections des animaux pour fertiliser et améliorer les sols cultivés, et d’utiliser les sous-produits des cultures pour les
L’agroécologie est à la fois une discipline scientifique et un ensemble de pratiques qui concerne l’écologie, l’économie, le mode
de vie et la culture rurales dont l’objectif est d’optimiser des agro-écosystèmes fonctionnant sur les principes des écosystèmes
naturels pour assurer les productions agricoles. L’agroécologie montre qu’un agro-écosystème est d’autant plus résilient et autonome qu’il est diversifié ; à l’inverse, il est d’autant plus fragile qu’il est simplifié
Le rapport WWF (2014) indique que 52% des vertébrés sauvages ont disparu entre 1970 et 2010 à cause des activités humaines. La revue Nature (2004) précise que le changement climatique pourrait aggraver cette situation et entraîner l’élimination d’1/4 des espèces au cours de la première moitié du XXIème siècle.

animaux (alimentation, litière). Cette proximité des deux activités facilitera l’utilisation d’animaux de trait
destinés à remplacer les tracteurs pour certaines activités. Enfin, une telle diversification des productions
au niveau local est un moyen de limiter les aléas économiques et climatiques qui sont fréquents en
agriculture
4. L’utilisation des semences de ferme sera rendue possible
L’interdiction actuelle de faire commerce des semences de ferme est la cause d’une grave distorsion de concurrence avec les variétés de catalogue qui sont construites à partir des ressources d’origine paysanne et, éventuellement, en les modifiant génétiquement. La standardisation des productions
végétales a conduit à la disparition de 75% de la diversité génétique depuis 1900 (voir la publication « Evolution de la diversité génétique des variétés de plantes cultivées » d’André Gallais, Colloque du 6 décembre 2016 à l’Académie d’Agriculture de France).
Le travail de sélection opéré sur des millénaires par les paysans constitue un patrimoine très riche qui doit être reconnu. L’emploi des graines produites sur la ferme ou échangées avec d’autres paysans, est à la fois un moyen de réduire les dépenses des producteurs et de trouver les variétés les mieux adaptées aux conditions climatiques et pédologiques de l’exploitation.
Les adaptations aux futurs climats dépendent de la biodiversité entretenue par les paysans du monde. La conservation au froid des anciennes semences dans le bunker du Spitzberg, ne permet pas une conservation dynamique de leur biodiversité. Par contre, la sélection opérée chaque année dans leurs
champs par les paysans du monde la renouvelle activement. Cette sélection paysanne est la base du maintien d’une biodiversité millénaire évolutive et adaptative. Ces graines constituent un « bien commun » de l’humanité qui doit être mis à la disposition des agriculteurs. Il est vital d’en assurer l’avenir face à
l’intrusion massive des variétés produites par les semenciers et issues d’un pool génétique relativementrestreint.

5. L’agroforesterie, un moyen élégant d’optimiser les apports naturels à l’agriculture
Les haies et arbres de plein champ ont été détruits par le remembrement du foncier agricole de 1960 à 1980. Compte tenu des services écosystémiques qu’ils rendent, leur place dans la nouvelle agriculture et le paysage sera à nouveau privilégiée : protection des cultures contre les vents et l’assèchement des sols, réduction du ruissellement des eaux, contribution au développement des organismes vivants du sol, source d’habitats pour les pollinisateurs et les insectes auxiliaires qui combattent les ennemis des cultures.
Les arbres à racines profondes, dans et autour des champs cultivés, captent les minéraux du sous-sol, notamment le phosphore dont les réserves minières mondiales sont limitées, et les remontent dans la sève brute vers les feuilles puis vers la surface des sols lors de leur chute à l’automne.
Plus largement, la production de paysages variés à l’échelle locale où coexistent élevages, cultures diversifiés et parcs arborés, contribuera au maintien de la biodiversité dont on doit estimer la pleine valeur
pour les générations futures qui auront à en tirer parti au plan de l’alimentation, de la pharmacie et autres utilités encore inexplorées. De tels paysages procurent également des cadres de vie agréables et attirants
pour les habitants et les touristes.

6. Une production alimentaire de qualité irréprochable distribuée dans des circuits courts
La fourniture de produits alimentaires standardisés de masse évoluera bien davantage vers une production « labélisée » de qualité. Les denrées alimentaires sont, pour la plupart, fragiles et périssables.
Les insectes auxiliaires interviennent dans le contrôle biologique des populations d’insectes ravageurs ou pathogènes. Ainsi, les coccinelles limitent le développement des pucerons, cochenilles et cicadelles sans causer de dégâts aux plantations. On peut également citer les syrphes, les chrysopes, les carabes dorés, les perce-oreilles qui sont des auxiliaires très utiles auprès des jardiniers et des agriculteurs.
Elles expriment une qualité nutritionnelle optimale lorsqu’elles sont récoltées à maturité et supportent mal, pour la plupart, le stockage en l’absence de traitement par des conservateurs. Elles doivent donc être
distribuées rapidement après leur collecte jusqu’au consommateur. Cette exigence s’appliquera a fortiori aux produits disposant d’un label à la fois pour préserver leur qualité en l’absence de conservateur et pour réduire les sources de pollution liées au transport. Cette forme de commercialisation est radicalement différente de celle que nous connaissons aujourd’hui qui priorise la recherche des produits alimentaires à moindre coût quelle que soit leur mode et leur lieu de production.
Pour tous les produits et denrées, le coût des transports devra intégrer les dégradations et destructions environnementales qu’ils occasionnent et qu’il faut réparer : création et entretien de voies de transport, construction d’aéroports et de ports, fabrication des véhicules, expropriations des
propriétaires de terrains, atteinte de tous les milieux naturels, disparition d’habitats pour la faune et la flore sauvages, pollutions sonores et visuelles, rejets de substances toxiques…). Le marché des produits locaux et labélisés sera ainsi fortement avantagé.

7. Place de la mécanisation et de la motorisation dans la nouvelle agriculture
Dans la perspective d’un épuisement progressif des sources d’énergie fossiles et de l’augmentation de leur coût, l’agriculture sera contrainte de réduire fortement les dépenses énergétiques liées à l’usage d’engins motorisés. Cette évolution est possible grâce à de nouveaux modes de production agricole
(raréfaction du labour et des interventions sur les cultures). Avec une dépense énergétique réduite, l’autorisation légale de produire un biocombustible à la ferme (oléagineux, méthane…) devrait suffire. A l’image actuelle d’un agriculteur capable d’exploiter quasiment seul une ferme de 200 ha, devrait succéder l’image d’une agriculture familiale, mobilisant davantage de main d’oeuvre sur une surface plus modeste. On peut anticiper aussi un recours accru à la traction animale pour certains types de travaux. Les machines
motorisées seront surtout sollicitées pour réaliser les tâches agricoles pénibles ou qui exigent une exécution rapide (moissons, foins…) ; elles n’auront plus pour objectif premier de réduire la main d’oeuvre comme c’était le cas jusque-là.
Le mode d’exploitation proposé induira immanquablement une augmentation du coût des aliments ce qui n’est pas choquant si l’on considère que « bien se nourrir » est le premier besoin vital de l’homme.
Par ailleurs, la forte réduction de la part du budget familial consacrée à l’alimentation au cours des 60 dernières années (40% et 20% du budget en 1950 et 2015, respectivement) était une volonté politique destinée à favoriser l’achat de produits industriels (voiture, machines à laver, télévision…) pour stimuler la croissance économique du pays.
Compte tenu des dégâts sanitaires occasionnés par la « malbouffe » actuelle (diabète, obésité, hypertension…)et par la contamination chimique des aliments, il semble nécessaire de former les citoyens à une bonne alimentation même si cela doit leur coûter plus cher. Cet impact financier restera un handicap lourd pour les familles nécessiteuses qui pourraient recevoir une aide des pouvoirs publics financée par des taxes appliquées aux produits alimentaires conventionnels afin de sanctionner leurs effets négatifs sur la santé des citoyens et sur l’environnement. C’est un domaine que les pouvoirs politiques devront prendre en considération.

8. La gestion du foncier agricole
Profitant d’une faille juridique, la société Chinoise Hongyanga a acheté près de 2 000 ha de « bonnes terres » dans l’Indre en 2016. Cette situation est très préoccupante pour l’avenir des jeunes agriculteurs français.Le rôle des SAFER (société d’aménagement foncier et d’établissement rural)dont la vocation est de recruter les nouveaux agriculteurs-paysans,devrait être redéfini et renforcé dans le but de leur donner un vrai droit de préemption sur tous les autres acheteurs potentiels de terres agricoles.
Les candidats locaux à la reprise d’exploitations en cessation d’activité se font rares à cause de difficultés financières. Cette contrainte devrait être surmontée par les aides des pouvoirs publics et les prêts à des taux faibles de banques spécialisées. Dans le cas d’un coût du foncier élevé, on peut préconiser un mode de financement par actions et une location en fermage. L’amélioration des revenus des agriculteurs en réponse à une production labélisée et à la vente en circuits courts,et (ou) par leur intégration à la chaîne de transformation et de commercialisation dans une nouvelle agriculture,devrait contribuer à faciliter l’installation de jeunes exploitants.
La préservation des terres cultivables passe également par les choix des municipalités d’interdire leur urbanisation. Un accompagnement juridique sera nécessaire pour renforcer l’efficacité d’une telle mesure car les municipalités sont tentées de transformer des zones agricoles en zones pavillonnaires ou
industrielles pour leur intérêt électoral et pour l’accroissement de leurs ressources.

9. Les incitations publiques à une nouvelle agriculture
9.1 L’enseignement, la formation des jeunes agriculteurs et la recherche agronomique
Les « nouveaux agriculteurs » devront posséder des connaissances approfondies sur les écosystèmes naturels puisqu’ils n’utiliseront plus (ou beaucoup moins dans un premier temps) d’intrants chimiques pour lutter contre les ravageurs et les maladies des cultures ou des élevages. Les enseignements de l’agroécologie, de l’agroforesterie et des nouvelles pratiques culturales comme les semis sans labour, les associations et les rotations de cultures, intégreront les programmes scolaires des lycées et des
enseignements supérieurs longs. Des chambres d’agriculture ont déjà pris conscience des enjeux, par exemple en ce qui concerne l’agroforesterie(Cf. Le Réseau Rural Agroforestier Français), mais les efforts vers une mutation profonde de l’agriculture restent trop limités. La recherche devra être davantage mobilisée pour répondre aux nombreuses questions qui ne manquent pas de se poser dans ce contexte ambitieux et original. La forme de « recherches participatives » qui permettent d’embrasser la complexité
des situations réelles avec les agriculteurs-paysans, devra être accrue.
La présentation de l’agrandissement de la taille des exploitations comme une nécessité inéluctable est un préjugé qui ne tient pas compte du potentiel de valeur ajoutée à dégager dans une nouvelle agriculture via(i)-la stimulation des processus naturels ; (ii)- la recherche de qualité et de spécificité des
produits ; (iii)- l’insertion au marché local ; (iv)- une participation plus importante à la finition et à la transformation des produits pouvant même aller jusqu’à leur commercialisation. On peut citer ici le cas de l’agriculteur-boulanger qui produit ses céréales et vend le pain qu’il a fabriqué à partir de celles-ci.

Un tel système présente de nombreux avantages : – il est facile à tracer ; -il ne peut survivre qu’en livrant des produits de qualité ; -il est économe en transport ; -il mobilise de la main d’oeuvre ce qui est considéré comme une gratification dans les modèles agro-écologiques alors que c’est un défaut dans le système conventionnel ; -sa rentabilité financière est démontrée.
Un moyen pour accroître à nouveau l’effectif des chefs d’exploitation serait de partir de la réflexion d’agriculteurs expérimentés (40-50 ans) sur leurs agro-systèmes. A cet âge, l’exploitant est en situation de s’interroger sur les choix passés et sur la possibilité d’une nouvelle orientation. Cette remise en cause est vitale pour les agriculteurs qui sont « sur le fil du rasoir » et qui dévient fréquemment vers la dépression ou pire ! Cette interrogation est vivifiante pour ceux qui sont en demi-réussite et veulent sortir d’une routine
stérilisante. Elle est stimulante aussi pour ceux qui ont bien réussi mais qui ont pris conscience de la nécessité de construire un nouveau système de production qui respecte la nature et les hommes.
A cet âge, tous ont de l’expérience et connaissent les ressorts et les limites de leur agroécosystème ; ils peuvent vouloir les réadapter et les diversifier en accueillant en location sur une partie de leurs terres un jeune pour développer un agro-écosystème autonome et complémentaire (exemples : – mettre en place la production de légumineuses-fourrage, de céréales, de protéagineux sur une exploitation laitière ; -introduire un élevage à proximité de grandes cultures).

Une telle démarche sera facilitée par l’organisation d’échanges d’expériences entre agriculteurs au sein de structures locales et régionales. Il s’agit d’établir un équilibre plus raisonnable entre les prescriptions des grandes coopératives et des IAA, et de développer une autonomie de réflexion, d’innovation et de décision propre des agriculteurs. La relation de solidarité qui s’est affaiblie entre agriculteurs à cause de leur concurrence pour la terre et de la pression des marchés, mais aussi des machines qui ont permis de se passer de l’aide des voisins pour les gros travaux, doit être retrouvée dans une nouvelle agriculture. La contribution de ces échanges à une meilleure vie sociale dans un espace rural revivifié doit être également prise en considération.

9.2 Les aides et subventions des pouvoirs publics
Les aides de l’Etat et de l’Europe devront être davantage réorientées vers une agriculture de type « familial agro-écologique » utilisant des surfaces à dimension humaine, dans laquelle la qualité des produits et de l’environnement demeure des objectifs accessibles et recherchés prioritairement. Ceci suppose que les grandes structures destinées à des productions de masse, basées sur une mécanisation de très haut niveau et utilisant très peu de main d’oeuvre, ne soient plus autant soutenues par les pouvoirs publics nationaux et l’Europe.
Dans un souci de rééquilibrage et de verdissement, la réforme de la PAC engagée en 2015 pour la période 2015-2020, remplace le paiement unique à l’hectare (DPU), indépendant des quantités produites, qui existait entre 2006 et 2014, par une aide découplée à quatre composantes : ->le paiement de base appelé DPB (droit au paiement de base), ->le paiement vert (établi sur la base de la surface des prairies permanentes, de la diversité d’au moins 3 cultures dans l’assolement, des surfaces d’intérêt écologique), ->
un paiement redistributif (dans la limite de 52 ha), ->le paiement additionnel aux jeunes agriculteurs (dans la limite de 34ha).L’indemnité compensatoire du handicap naturel a été revalorisée et s’applique dans la
limite de 75 ha. Les aides couplées à la production soutiennent essentiellement l’élevage, l’aide à l’investissement, l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs et l’aide à l’agriculture biologique. Les mesures agro-environnementales sont élargies en mesures agro-environnementales et climatiques. Il est trop tôt pour mesurer l’efficacité de ces mesures. L’évolution des effectifs respectifs des moyennes et des grandes exploitations sera l’un des indicateurs utiles à côté d’autres concernant l’utilisation de l’occupation
des sols (avancée ou recul de la diversification, mixage micro-régional « élevage-agriculture »).
Figure 5- Nature des subventions d’exploitation accordées au cours des exercices 2014 et 2015, en euros 2015(source SSP RICA)

Tout en étant centrée sur la production d’aliments de qualité à l’exemple des vins ou des fromages, la nouvelle agriculture familiale contribuera fortement à la rénovation des paysages ruraux (cultures diversifiées, sols revitalisés, agro-forêts, aménagement et entretien des chemins, des haies et du
bocage …) pour leur activité, pour le cadre de vie des habitants et pour le tourisme. Les municipalités et, au-delà, les politiques départementales et régionales, devraient développer une réflexion et des outils de gestion incluant la rémunération des agriculteurs pour ces externalités positives5.
Les pratiques écologiques de la nouvelle agriculture qui sont plus exigeantes en main d’oeuvre et visent un meilleur revenu grâce à une plus grande autonomie, participeront à une relance des activités, à une revitalisation des relations sociales et à un certain repeuplement des zones rurales. On peut espérer un retour dans des formes modernes des services publics, des administrations, des services médicaux et
scolaires. Un relatif rééquilibrage de la répartition de la population « entre villes et campagnes » est envisageable à condition d’un soutien des pouvoirs publics.

10. L’agriculteur s’intègre dans la chaîne de transformation et de commercialisation de ses produits
L’agriculteur ne peut pas continuer à être un simple « fournisseur » d’une matière brute dont il ne maîtrise pas le prix et dont la plus-value se fait principalement en aval de sa production (Figure 6). Cette situation doit l’inciter à produire sous le signe d’une qualité reconnue ou d’un label. Déjà 25% de la
production agricole est vendue ainsi (http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/doctravail121212.pdf). Elle doit le conduire également à s’intégrer dans la chaîne de transformation et de commercialisation de ses
produits, soit par une participation directe, soit sous forme d’associations coopératives au sein desquelles les bénéfices seront partagés.
Figure 6 – Évolution des prix agricoles et des prix alimentaires (indice 100 en 1970, monnaie constante)
(Source : Sylvie Bonny. Les systèmes de production dans la chaine agroalimentaire : position et évolution. Economie Rurale. Les
systèmes de production agricole, juillet-août 2005, p91-98)

11. Des territoires ont déjà expérimenté la transition vers une nouvelle agriculture
On peut citer le cas exemplaire des fromages de Comté et de Beaufort qui ont su développer leurs nombreuses fruitières de terroir et celui des vins, particulièrement les vins naturels et les vins Bio.
5 L’externalité caractérise le fait qu’un acteur économique crée, par son activité, un effet externe en procurant à autrui une utilité ou un avantage (externalité positive) sans rétribution, ou au contraire une nuisance, un dommage (externalité négative) sans pénalité.

En matière d’élevage et d’association polyculture-élevage, des Groupements d’Intérêt Economique et Environnemental (GIEE) ont été mis en place en 2014 pour développer des pratiques agro-écologiques dans l’objectif d’améliorer leurs performances économiques, sociales mais aussi environnementales. C’est dans ce cadre que le trophée de l’agro-écologie a été décerné en février 2016 au GIEE Cendrecor regroupant 80 agriculteurs du limousin.
L’agriculture biologique qui exclue l’usage de produits chimiques de synthèse, répond en partie aux exigences énoncées précédemment. Le « Grenelle de l’environnement » de 2007 avait fixé l’objectif de 6 % de la surface agricole utile (SAU) affectés à l’agriculture biologique à l’horizon 2012, mais celui-ci n’a été atteint qu’en 2016. Il y a aujourd’hui 32 500 producteurs engagés dans la production biologique en France, représentant 7,3 % des exploitations agricoles avec un taux annuel d’augmentation d’environ 12%. Au
niveau européen, la proportion est légèrement supérieure et atteint près de 10 %. En 2013, le BIO représente 2% de l’alimentation des français, vs 1% en 2006. L’offre nationale ne permet pas de couvrir la demande en aliments BIO ; les produits importés représentent près de 40 % des ventes. Ce déficit commercial n’est pas égal pour tous les produits : le secteur laitier est quasi-autosuffisant alors que l’importation de céréales est importante.
Des films documentaires récents présentant des projets de développement durable territoriaux au sein desquels l’agriculture tient une place importante, ont été plébiscités par le public. Le film « Demain » réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, sorti en 2015, montre des réalisations positives et concrètes qui fonctionnent déjà dans 10 pays différents. Il propose une vision positive du monde de demain, avec une conception écologique de l’agriculture basée sur les connaissances scientifiques les plus récentes.
Dans le film « Qu’est-ce qu’on attend ? »sorti en 2016, Marie-Monique Robin décrit les réalisations de la commune d’Ungersheim (Haut-Rhin) destinées à faire face aux prochaines pénuries annoncées d’énergie fossile. La municipalité a lancé en 2009 un programme de démocratie participative, baptisé «21 actions pour le XXIe siècle » qui englobe tous les aspects de la vie quotidienne : l’alimentation, l’énergie, les transports, le travail, l’argent, l’habitat et l’école. Ces initiatives, bien que récentes, ont réussi une nouvelle
organisation de la vie collective qui a permis d’atteindre l’autonomie alimentaire et énergétique du village.

12. Un paradoxe : l’augmentation de la production agricole s’accompagne d’une stagnation de la valeur ajoutée de la branche ‘Agriculture’
Bien que la productivité de la branche ‘Agriculture’ dans l’économie nationale se soit accrue de 35%
entre la référence moyenne des 3 dernières années (2014, 2015 et 2016) et celle de l’année 2000, sa valeur ajoutée stagne (Figure 7) en raison notamment de la montée des coûts des consommations intermédiaires et du poids d’une dette croissante due aux investissements lourds. Ainsi, avec
l’artificialisation de l’agriculture, la valeur ajoutée a beaucoup glissé vers l’amont (industriels de l’agrochimie pour les engrais et les pesticides ; fabricants de machines agricoles ;banques) et vers l’aval
(industries agro-alimentaires, centrales d’achat, grande distribution). Face à cette multiplication d’intervenants, de nouveaux équilibres doivent intervenir pour soutenir une agriculture d’une autre génération qui soit plus fonctionnelle du point de vue agro-écologique et plus profitable aux agriculteurs.
Figure 7 – Valeur ajoutée brute des différentes branches en volume(Comptenational2017bspca.pdf page10)

On ne sauvera pas l’agriculture par une artificialisation de plus en plus poussée du mode de production mais par la prise en considération des processus naturels, de la santé des agriculteurs et des consommateurs sur le long terme.
Par ailleurs, on remarque que le solde des exportations sur les importations de produits agricoles,hors produits viticoles
(https://fr.actualitix.com/pays/fra/france-vin-importations.php ;https://fr.actualitix.com/pays/fra/france-vinexportations.
php),diminue gravement avec le temps (Tableau 4).Toutefois, il reste important pour les céréales, 5 à 6 milliards d’euros par an, et répond soit à des besoins incontournables des pays arides, soit à des pays dont le bon potentiel agricole ne parvient pas à s’exprimer dans le contexte des prix mondiaux et ceci, au détriment principalement des petits paysans.
Tableau 4

(Source : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/comptenational2017bspca.pdf)

Conclusion

Contrairement à l’idée qui a prévalu dans le monde au cours de 60 dernières années, les systèmes de production agricole ne peuvent plus être copiés sur ceux de l’industrie qui fabrique des biens matériels en série, standardisés, faciles à reproduire, à stocker et à transporter. A l’opposé, l’agriculture est très
dépendante des ressources naturelles, de l’environnement et des conditions climatiques. En outre, son dessein est de livrer aux citoyens des denrées destinées à les nourrir et qui doivent donc être de qualités irréprochables bien que fragiles et périssables. Copier l’industrie est l’erreur qui a abouti aujourd’hui à une succession de crises que nos responsables ne savent plus maîtriser.
L’agriculture conventionnelle orientée essentiellement vers l’agrandissement et l’investissement dans un contexte de forte concurrence mondiale, vers l’usage croissant d’intrants onéreux et de matériels sophistiqués aux dépens de l’emploi de personnel, de la gestion des ressources naturelles, de la genèse des sols et de l’atténuation du changement climatique, est dommageable à la fois pour ses agriculteurs, pour les consommateurs et pour l’environnement. Elle n’est donc pas « durable ».
L’agriculture est désormais soumise à la nécessité d’évoluer vers un mode de production radicalement différent, à base écologique, dans lequel l’agriculteur optimise les sources naturelles que la nature lui offre gracieusement : photosynthèse et fixation symbiotique de l’azote, action des lombrics et
des insectes sur la structure du sol, action des bactéries et des champignons pour la formation de l’humus et la fourniture des minéraux nutritifs aux plantes ainsi que l’amélioration de la réserve en eau, adaptation au changement climatique et contribution importante à son atténuation, régénération continue des sols par de nouveaux modes de culture et protection par des haies et des arbres. L’idée selon laquelle l’agriculture conventionnelle intensive serait moderne est maintenant dépassée par les nouvelles connaissances en agro-écologie.

Le projet est de redessiner l’espace agricole, de limiter l’usage des engrais minéraux au strict nécessaire, de renoncer rapidement aux pesticides en privilégiant la lutte biologique contre les nuisibles,
de donner place à l’optimisation de l’activité biologique du sol, de renoncer à l’importation massive de sources protéiques comme le soja et de matières grasses à base de palme qui sont deux causes majeures de la déforestation tropicale. Enfin, l’agriculteur qui est le principal acteur dans la chaine de production des richesses doit en recevoir sa juste récompense !
Il sera difficile de changer le système conventionnel et de convaincre les décideurs qui n’ont connu que le mode d’artificialisation intensive de la production agricole. Il sera difficile aussi de mobiliser la sphère économique sur la nouvelle agriculture car elle tire de nombreux avantages du mode de production actuel. Mais, il est vital et urgent de conforter et encourager les pionniers de cette nouvelle agriculture qui ont compris l’intérêt des méthodes agro-écologiques et de la sauvegarde des ressources naturelles qui
constituent leurs principaux outils de production.
Par ailleurs, les agriculteurs doivent pouvoir compter sur des IAA très conscientes de la montée de l’obésité, du diabète, de l’hypercholestérolémie, de l’hypertension et de certains cancers dans la population liée à la consommation de produits alimentaires industriels. Une réglementation plus stricte doit imposer aux industries agro-alimentaires de proposer des produits transformés d’une haute qualité diététique associée à des pratiques publicitaires irréprochables
Le vieux modèle descendant de « ceux qui savent » vers « ceux qui appliquent » apparait de plus en plus inadapté au monde agricole et à l’agro-industrie en raison des nouveaux enjeux environnementaux et de la qualité très perfectible des aliments (acquisition d’une absence totale de contamination par les
pesticides, les perturbateurs endocriniens, les additifs divers ; suppression des ingrédients de mauvaise qualité nutritionnelle ou responsables de maladies chez les consommateurs).
Les prescripteurs (conseillers agricoles par exemple) peuvent évoluer en animateurs de la construction de projets conçus entre « agriculteurs-paysans » qui oeuvrent pour fournir des aliments irréprochables aux citoyens, restaurer les sols et gérer leur genèse permanente, reconstituer les paysages
et participer à la dynamisation de l’activité économique des territoires ruraux. Le terme « paysan » est utilisé ici à dessein car il souligne le rééquilibrage nécessaire entre la vie ancrée localement et la mondialisation.
La théorie des avantages comparatifs consistant à produire en masse les aliments là où dans le monde leur rendement serait optimal, puis à les faire circuler entre pays, n’est pas la meilleure solution
pour nourrir la population. L’application de ce principe aux pays pauvres qui sont déficitaires en produits alimentaires affaiblit leurs capacités productives en ruinant leurs paysans (par exemple, le résultat désastreux de l’Alena au Mexique). Les paysans des pays pauvres doivent en priorité pouvoir se nourrir
eux-mêmes et assurer la part la plus importante de l’autonomie alimentaire nationale en s’appuyant sur leur propre capacité d’innovation et sur l’aide scientifique et technique nationale et internationale.
A l’exception de situations de famine, il faut bannir les aides alimentaires directes qui concurrencent les productions des agriculteurs locaux, les ruinent, les incitent à vendre leurs terres et les
poussent à rejoindre les bidonvilles ou bien à émigrer. Des cours mondiaux trop erratiques et le dumping que créent les aides agricoles des pays développés sont extrêmement nuisibles à la stabilité des sociétés
rurales des pays en voie de développement avec les conséquences que nous connaissons.
Par ces réflexions générales sur la nécessité d’une mutation profonde de l’agriculture nous souhaitons informer les responsables politiques et économiques, les médias, les citoyens et apporter notre participation aux échanges qui ont lieu au cours des assises de l’alimentation qui se mettent
actuellement en place.

réflexion sur l’agriculture par Jouany et de Montard (introduction)

Comprendre les origines de la crise de l’agriculture française
pour construire une agriculture éco-responsable et humaine
Jean-Pierre Jouany et François Xavier de Montard
Directeurs de recherche Honoraires de l’INRA
Membres de l’association GREFFE*(Groupe Scientifique de Réflexion et d’Information pour un Développement
Durable)
Remarque liminaire :
Ce document est le résumé d’un texte de 16 pages dans lequel les éléments présentés ici sont développés.
I– Un constat accablant
L’agriculture française a subi des bouleversements profonds après la guerre de 1939-45 pour répondre à la pénurie alimentaire qui frappait le pays. La recherche d’une productivité maximale a conduit à des mutations majeures dont le remembrement des parcelles et l’agrandissement des exploitations, le drainage et l’irrigation, l’apport massif d’intrants, une sélection génétique basée sur le rendement, une simplification des assolements et une spécialisation des productions. L’autosuffisance alimentaire a été obtenue dès 1970 et le coût relatif de l’alimentation a alors considérablement baissé ;
il représente 20% du budget des ménages aujourd’hui contre 40% en 1950. De nombreux acteurs interviennent désormais dans la filière agricole et la part du budget consacré à l’alimentation allant effectivement aux agriculteurs n’est que de 4%. L’essentiel de la valorisation se fait donc en aval de l’agriculteur qui, par ailleurs, supporte tous les risques.
L’intensification de l’agriculture a entrainé une profonde transformation de la société, de notre mode de vie et de notre environnement. Le nombre d’agriculteurs est passé de 10 millions en 1945 à moins de 1 million aujourd’hui, tandis que la population française augmentait de 27 millions. L’exode rural vers les villes a pu, un temps, être absorbé par le développement concomitant de l’industrie, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec le ralentissement de la croissance et la robotisation. Cette situation explique, en partie, la crise sociale et la situation de chômage endémique de notre pays.
La production de masse d’aliments standardisés, bruts ou transformés, de qualités gustative et sanitaire plutôt insatisfaisantes, arrivant souvent au consommateur après un circuit complexe et délétère pour l’environnement, caractérise une part dominante de l’agriculture actuelle. De l’usage très
répandu des pesticides résulte une contamination généralisée de l’environnement et de la population, y compris des enfants, dont les effets négatifs sur la santé sont maintenant avérés. Du coût important et
sans cesse croissant des consommations intermédiaires (engrais, pesticides, entretien des matériels et bâtiments, frais vétérinaires…), résulte un revenu par exploitant très insuffisant pour la moitié d’entre eux, malgré un travail éreintant. En outre, le mode de production dit « intensif » coûte cher en intrants, émet des gaz à effet de serre (GES) en quantités considérables et n’améliore plus les rendements. Le constat amer de crises à répétition de l’agriculture qui ne sont plus maîtrisées par les responsables européens et nationaux, impose une nouvelle forme de production de nos aliments qui soit autrement plus économe, autonome, écologique, diversifiée et humaine.
II – Des propositions innovantes
L’originalité des propositions des acteurs agricoles innovants qu’il faut soutenir préférentiellement consiste en l’articulation d’une gestion saine de l’environnement avec une économie prospère de l’exploitation agricole et une revitalisation du monde rural. Parmi ces acteurs, on peut citer les
agriculteurs biologiques mais pas seulement tant sont riches les expériences réussies sur le terrain (élevage à l’herbe intégral, association cultures-élevage…). Pour l’environnement, il s’agit de supprimer (ou réduire fortement) l’usage des pesticides, des engrais de synthèse et des émissions de GES, d’entretenir la biodiversité et les services
écosystémiques, de concevoir des agro-systèmes produisant des aliments de grande qualité, d’économiser l’énergie, de repenser le travail des sols (technique de non-labour, semis direct, couverture végétale permanente)…
Du point de vue économique, il s’agit de maintenir en nombre des exploitations de taille moyenne qui fourniraient des produits de qualité et qui participeraient à leur transformation et leur commercialisation pour tirer profit de la plus-value faite en aval de la production. Ce gain, associé à
des investissements et des emprunts strictement raisonnés, à une réduction des consommations intermédiaires, à une régulation des prix favorable aux producteurs et à une orientation des subventions pour soutenir les fonctions multiples de l’agriculture, permettrait aux acteurs principaux de l’agriculture de vivre décemment de leur dur labeur.
Du point de vue de la société rurale et de la vie sociale, il s’agit de rendre possible à nouveau le recrutement de jeunes agriculteurs en nombre et d’encourager la participation des agriculteurs à l’organisation de leur filière à l’échelle locale, régionale et nationale. L’animation de ces forums serait
confiée à des personnes totalement indépendantes des grandes coopératives et des firmes qui sont à l’origine des crises actuelles de notre agriculture.
Dans ces perspectives, les leviers d’action proposés sont les suivants :

1- Maximiser l’utilisation des ressources naturelles gratuites et illimitées comme l’énergie solaire et le gaz carbonique atmosphérique pour la photosynthèse, l’azote del’air pour sa fixation symbiotique dans les légumineuses ; utiliser la couverture végétale permanente pour séquestrer du
carbone dans les sols et améliorer leur structure (humus) et leur capacité de réserve en eau.
2- Gérer soigneusement l’eau (maîtriser sa circulation en surface, alimenter les nappes phréatiques, réduire drastiquement l’usage des engrais azotés minéraux et des produits chimiques à l’origine des contaminations actuelles).
3- Libérer le commerce des semences paysannes pour préserver la biodiversité issue des millénaires de sélection paysanne, développer les associations et rotations de culture, l’agroforesterie, pour lutter contre les ravageurs et les maladies des cultures.
4- Limiter la fréquence des labours pour préserver le carbone séquestré dans les sols et associer étroitement élevage et polyculture pour améliorer l’autonomie et la résilience des exploitations.
5- Réduire l’utilisation de l’énergie fossile, développer la production de bioénergie à la ferme et réintroduire la traction animale pour certaines activités.
6- Fournir des produits alimentaires de qualité irréprochable dans des circuits courts ; intégrer l’agriculteur dans la chaine de transformation et de commercialisation de ses produits au sein de laquelle les bénéfices seront partagés.
7- Rétablir la priorité de l’accueil des jeunes agriculteurs en faisant évoluer le rôle des SAFER pour qu’elles interviennent réellement dans larégulation du prix du foncier, s’opposent à la concentration des terres ou à leur achat par des investisseurs-spéculateurs ou à leur urbanisation.
8- Orienter les aides et subventions vers des productions de qualité, vers une gestion de l’environnement qui préserve les agro-écosystèmes, les biodiversités domestiques et naturelles, et la qualité de vie en zone rurale. Les mesures n’allant pas dans ce sens devraient être taxées.
L’agriculture sera définie comme « durable » si elle parvient à sauvegarder les ressources naturelles qui constituent les principaux leviers de sa production.
Les labels de qualité (Label rouge, STG, AB) et d’origine (AOP, AOC, IGP) des produits alimentaires devront se développer ; déjà 25% sont labélisés en 2016. La formation et l’information des consommateurs devraient orienter leur choix vers ces produits.
Le coût des aliments labélisés issus d’une agriculture durable rivalisera avec celui des aliments issus de l’agriculture conventionnelle intensive lorsque le montant des externalités négatives (santé, environnement, transport, biodiversité, qualité de vie, entretien de paysages diversifiés…) sera intégré
dans les prix de production.
Il est vital et urgent de soutenir les pionniers de la nouvelle agriculture qui ont compris l’intérêt des méthodes agro-écologiques, de la sauvegarde des ressources naturelles et de l’importance de la nutrition sur notre santé. « Se nourrir » est le premier besoin vital de l’Homme et l’intérêt que la société doit y consacrer commande priorité.
*www.groupe-greffe.wix.com/groupe-greffe

réflexion sur l’agriculture par M.Perronard

Regards sur l’agriculture, le carbone

et le changement climatique

En mars 2012, interrogé par l’AFP, sur l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2°C, promis par les chefs d’État, à l’issu du sommet de Copenhague, en décembre 2009, l’ex-responsable climat de l’ONU, Yvo de Boer, affirmait : « l’objectif est désormais hors d’atteinte ».

Selon M. de Boer, « Il faudrait donc maintenant voir comment nous pouvons nous rapprocher le plus possible des 2 degrés et ne pas dire que nous devons tout reprendre à zéro pour formuler un nouvel objectif ».

Certains chercheurs estiment que « les deux degrés mentionnés sont un mirage politique dans la mesure où l’augmentation de la température moyenne de la planète se dirige plutôt vers 3°C. Une frontière dessinée par les politiques à partir de travaux scientifiques sur l’impact de divers seuils de température sur les coraux, la calotte du Groenland, la productivité agricole… ».

« Les 2°C sont peut-être un peu symboliques, mais l’idée est que si on va au-delà, on prend des risques vis-à-vis de nos capacités d’adaptation », résume M. Jean Jouzel, climatologue et glaciologue, Directeur de recherches du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) et expert membre du GIEC (Groupe d’experts international sur l’évolution du climat).

Il est établi que l’augmentation du taux de CO2 atmosphérique, au cours des dernières décennies, semble compromettre la survie prolongée de nombreuses espèces vivantes, dont l’espèce humaine.

L’agriculture et l’industrie agroalimentaire pèsent pour 24% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (respectivement 17,8% et 17,3 % pour la France métropolitaine en 2010 (sources : INRA, 2013 et Gouvernement, 2014)). C’est donc une évidence, la production agricole doit relever un double défi, produire durablement une alimentation suffisante pour l’humanité et prendre sa part dans la lutte contre le changement climatique.

I. Des bouleversements dans les processus naturels

« Depuis le XIXe siècle, le défrichement des terres pour l’agriculture, la pratique du labour et l’urbanisation auraient provoqué la perte d’environ 60 % du carbone stocké dans les sols et par la végétation, à la suite de changements d’utilisation des terres » souligne le rapport UNEP Year Book 2012.

Les scientifiques estiment que les sols agricoles contiennent 2000 gigatonnes de carbone, soit 3 fois ce que contient l’atmosphère, ils sont un des réservoirs de carbone les plus importants de la planète et leur potentiel de séquestration peut être étendu.

Prendre le carbone de l’air pour le stocker toujours plus dans les sols pourrait à priori durer encore longtemps. Mais c’est sans compter sur le modèle agricole dominant qui fait tout le contraire. En effet, les sols travaillés souvent par retournement restent nus une grande partie de l’année, ce qui dérègle la belle mécanique du vivant puisque la matière organique des sols, à la base de leur fertilité, s’échappe sous forme de CO2 dans l’atmosphère et la perte des sols par érosion augmente. Tout cela engendre au passage des coûts importants pour l’agriculteur : investissement en matériel, travail mécanique du sol, carburant, achat d’engrais, etc… mais aussi davantage d’émissions de méthane et N2O.

II. Le double défi que doit relever l’agriculture

II.1. Agroécologie et Agriculture climato-intelligente

Il faut produire tout en protégeant le climat, par un retour du carbone à la terre. Bien que trop peu médiatisée, cette agriculture innovante existe déjà ! Des pratiques agricoles adaptées permettent de rétablir des niveaux de matière organique satisfaisants dans les sols qui nous nourrissent (FAO).

On parle aujourd’hui d’agriculture climato-intelligente, qui repose sur trois piliers :

  • Augmenter de façon durable la productivité agricole et les revenus des agriculteurs afin d’atteindre les objectifs nationaux de sécurité alimentaire et de développement ;

  • Renforcer la résilience et l’adaptation des systèmes agricoles et alimentaires au changement climatique ;

  • Atténuer les émissions de gaz à effet de serre et augmenter l’absorption du carbone.

Les principes essentiels sont:

  • le non-labour (ou labour minimal). ou le semis-direct à travers une couverture de végétation permanente ou de résidus de plantes couvrant le sol.

  • le maintien permanent d’une végétation en couverture du sol (rotation des cultures principales et des inter-cultures supplémentaires) ou de résidus de plantes.

  • le semis-direct à travers une couverture de végétation permanente ou de résidus de plantes couvrant le sol.

  • la production de biomasse et la couverture du sol avec un paillis végétal à l’aide de plantes adaptées.

  • la réduction du recours aux engrais minéraux de synthèse, en les utilisant mieux et en valorisant plus les ressources organiques, pour réduire les émissions de N2O.

  • la complémentarité graminées – légumineuses avec l’objectif de minimiser la fertilisation azotée.

  • le rétablissement des complémentarités entre cultures et élevages.

  • l’optimisation de la gestion des prairies (allongement des durées annuelles de pâturage, prolongement de la durée des prairies temporaires…).

  • réduire les apports protéiques dans les rations animales pour limiter les teneurs en azote des effluents et les émissions de N2O.

  • en agroforesterie et en cultures associées, les mêmes pratiques peuvent être utilisées. La séquestration du carbone relative aux arbres s’ajoute et la combinaison avec les cultures s’avère être très efficace, plusieurs tonnes de carbone fixées annuellement.

  • la conservation ou le rétablissement de haies adaptées.

En moyenne, les experts estiment qu’il est possible de piéger 200 à 1000 Kg par an de carbone par hectare, ce qui représente au plan mondial de 10 à 30% des GES anthropiques ! Si cette capture permet non seulement de compenser des émissions, mais en plus d’en éviter (limitation des engrais azotés de synthèse, par exemple, puisque sol déjà pourvu…), le gain global est très conséquent.

II.2. Des bénéfices étendus à bien d’autres enjeux

Les bénéfices de cette agriculture ne se limitent pas à la séquestration du carbone.

Face au manque d’eau, on estime que 20% de l’eau qui tombe sur les sols cultivés et dégradés par le modèle dominant, est perdue par ruissellement et contribue à l’érosion des sols.

Or la matière organique et les organismes vivants associés jouent un rôle primordial dans l’agrégation du sol (structure et stabilité), sa perméabilité et sa capacité d’absorption et de stockage de l’eau et sa disponibilité pour les plantes. Il est donc possible d’augmenter la capacité des sols à conserver l’eau et à favoriser l’infiltration des pluies en développant des pratiques culturales adaptées, qui préviennent de l’érosion par le vent et l’eau, en augmentant le taux de matière organique.

Il faut noter également, qu’un sol riche en humus est un sol plus aéré et perméable, et que ces sols sont beaucoup moins susceptibles de conduire à des transformations anaérobies produisant du méthane ou du protoxyde d’azote.

Au-delà des propriétés agronomiques, l’augmentation du taux d’humus des sols s’accompagne de meilleures récoltes et d’un accroissement de la sécurité alimentaire en particulier pour les années sèches, de coûts moindres et avec en amont, une meilleure distribution des travaux agricoles, avec économie de temps au cours de l’année.

II.3. Autre exemple d’agriculture innovante : l’Agroforesterie

La couverture végétale permanente des sols et les arbres des haies, ceux des espaces agroforestiers peuvent permettre, s’ils sont bien conduits sur des surfaces suffisantes, de relever ce double défi de l’adaptation et de l’atténuation.

L’objectif de l’agroforesterie est l’exploration maximale du sol par les racines et une meilleure valorisation du rayonnement solaire (photosynthèse) par complémentarité entre les espèces pérennes et annuelles. Cela, favorise l’exploitation des ressources du milieu (notamment azote, phosphore), améliore la perméabilité du sol et limite l’érosion. La couverture végétale permanente des sols et les arbres des espaces agroforestiers entraînent un taux élevé de séquestration du carbone, d’autant plus important s’ils combinent les effets du non-labour avec l’intrant maximum de matière organique, sous forme de résidus des cultures ou de cultures de couverture et minimisent les intrants ; c’est le sol qui nourrit la plante. Les résultats attendus sont des agrosystèmes très productifs et en mesure de constituer un véritable « poumon vert ».

Le système a déjà été appliqué sur plus de 50 millions d’hectares de terres agricoles jusqu’à ce jour, dans des pays comme le Brésil, le Paraguay, l’Argentine, les États-Unis, l’Australie, l’Inde, le Népal, le Pakistan….

CONCLUSION – Adaptation et Atténuation

L’adaptation de l’agriculture au changement climatique et sa capacité d’atténuation à l’échelle globale ne doivent pas être dissociées.

La séquestration du carbone et les bienfaits qui en résultent pour l’agriculture sont un moyen pour concilier les trois grandes conventions sur le changement climatique, la biodiversité et la désertification (dégradation des terres en zones de sécheresse) et éventuellement de réconcilier agriculture et environnement.

L’Europe semble être la plus difficile à convaincre, bien que les bienfaits de l’agriculture de conservation pour l’environnement, et plus spécialement pour la qualité de l’eau, semblent maintenant être pris en considération.

Des incitations financières liées à des aides conditionnelles de la PAC pourraient contribuer au changement. Par exemple pour améliorer l’utilisation des terres, comme des aides au stockage du carbone, la lutte contre les inondations et l’amélioration de la qualité de l’eau, de même qu’un accord mondial sur le climat, incluant « la vente de crédits carbone pour les sols ».

L’essentiel à retenir

L’agriculture et l’industrie agroalimentaire pèsent pour 24% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (respectivement 17,8% et 17,3 % pour la France métropolitaine en 2010) ;

  • Depuis le XIXe siècle, le défrichement des terres pour l’agriculture, la pratique du labour et l’urbanisation auraient provoqué la perte d’environ 60 % du carbone stocké dans les sols et par la végétation, à la suite de changements d’utilisation des terres ;
  • Les sols agricoles contiennent 2000 gigatonnes de carbone, soit 3 fois ce que contient l’atmosphère ;
  • Les trois piliers de l’agriculture climato-intelligente :

    • Augmenter de façon durable la productivité agricole et les revenus des agriculteurs afin d’atteindre les objectifs nationaux de sécurité alimentaire et de développement ;

    • Renforcer la résilience et l’adaptation des systèmes agricoles et alimentaires au changement climatique ;

    • Atténuer les émissions de gaz à effet de serre et augmenter l’absorption du carbone.

  • 11 principes essentiels peuvent permettre d’atteindre les objectifs de l’agroécologie et de l’agriculture climato-intelligente (cf partie II.1.) ;
  • Il est possible de piéger 200 à 1000 Kg par an de carbone par hectare en moyenne, ce qui représente au plan mondial de 10 à 30% des GES anthropiques ;
  • 20% de l’eau qui tombe sur les sols cultivés et dégradés est perdue par ruissellement et contribue à l’érosion des sols. Il est pourtant possible d’augmenter la capacité des sols à conserver l’eau et à favoriser l’infiltration des pluies en développant des pratiques culturales adaptées, qui préviennent de l’érosion par le vent et l’eau, en augmentant le taux de matière organique.
  • N’oublions pas qu’historiquement c’est avec l’apparition de la vie que l’atmosphère terrestre s’est peu à peu stabilisée. Les éléments clés étant l’océan, les cyanobactéries, les plantes et leur photosynthèse et enfin les organismes du sol.

ANNEXE

« L’atmosphère tertiaire de la Terre : le sceau de la vie ? »

Pour être efficaces dans la lutte contre les Gaz à effet de serre, il faut en comprendre les processus physico-chimiques et biologiques. Rappelons-nous qu’aux premiers âges de la vie de la Terre, la surface de notre planète était un large océan de lave en fusion, exempte d’eau liquide, et que son atmosphère dépourvue d’oxygène, se composait d’hydrogène et d’hélium dans un premier temps, puis d’azote, de dioxyde de carbone, d’ammoniac, de méthane, et d’un peu de vapeur d’eau dans un second temps. Mais la vie y est tout de même apparu. Un peu d’Histoire s’impose donc pour comprendre comment la vie a pu se former dans des conditions aussi extrêmes…

La précipitation de l’océan sur Terre

Aux alentours de -4,2 milliards d’années, la Terre est suffisamment refroidie : 375°C, à 260 atm. On atteint alors le point de condensation de l’eau : des nuages apparaissent et il pleut pour la première fois sur Terre. Les pluies sont très acides (HCl, H2SO4, HNO3), ces acides vont attaquer les roches magmatiques et volcaniques pour faire apparaître de nombreux éléments dissous (Si4+, Al3+, Mg2+, Fe2+, Ca2+, Na+, K+).

L’océan va très vite couvrir 95 % de la surface de la Terre.

L’apparition de la vie et l’apparition des conditions oxydantes

L’apparition de l’océan a permis l’apparition de la vie. En effet, l’eau est un solvant essentiel et elle est de plus un abri aux UV solaires (l’ozone n’était pas encore présente à l’époque). Les scientifiques sont surs d’une chose : la vie est apparue très tôt sur Terre, il semble dès la précipitation de l’océan. On trouve des traces de vie dans des roches d’Ishua au Groenland datées de 3,8 milliards d’années.

Dans des roches d’Australie, on trouve des traces d’algues unicellulaires appelées cyanobactéries. L’accroissement du taux de dioxygène dans l’air est lié en premier lieu à l’activité de ces bactéries.

Il y a sans doute plusieurs voies d’oxydation de l’atmosphère :

–          Le dioxygène rejeté par les êtres vivants.

Le fer présent dans l’eau était initialement du Fe2+. Le dégagement d’O2 par les cyanobactéries provoque dans leur voisinage l’oxydation du fer Fe2+ en Fe3+. Des formations ferreuses témoignent de ce processus et permettent de dater une intensification du phénomène vers 2.4 Ga, ce qui indique une augmentation de la quantité d’O2 provenant des cyanobactéries et donc des cyanobactéries elles-mêmes.

–          Le dioxygène rejeté par des réactions chimiques.

En effet la forte concentration de méthane était beaucoup plus élevée qu’aujourd’hui, et soumis aux rayonnements UV, il peut réagir et donner du dioxygène et des hydrogènes.

Vient ensuite la chlorophylle qui semble dater de 2,7 milliards d’années. En captant l’énergie de la lumière du soleil, grâce à la chlorophylle, les cellules végétales combinent le gaz carbonique de l’air (CO2) à l’eau douce (H2O) pour fabriquer des sucres (en C6H12O6). C’est la photosynthèse. A partir de ce moment l’atmosphère s’enrichit en dioxygène.

Cette explosion de la vie implique une grande consommation du CO2 atmosphérique par son stockage dans les végétaux via la photosynthèse.

Mais cette matière organique fabriquée par les plantes finit dans le sol lorsque celles-ci, en fin de cycle végétatif, remettent en circulation tout ou partie de leur substance. A leur mort, ces végétaux rejettent du CO2 durant leur décomposition. Les vers de terre, les cloportes, et les micro-organismes, font alliance avec les champignons pour consommer, dégrader et recycler cette matière végétale en humus et éléments minéraux assimilables par la plante.

Il s’établit alors un équilibre entre atmosphère et biosphère et le taux de CO2 se stabilise.

C’est donc avec l’apparition de la vie que l’atmosphère terrestre s’est peu à peu stabilisée. Les éléments clés étant l’océan, les cyanobactéries, les plantes et leur photosynthèse et enfin les organismes du sol.

Cette boucle de production – consommation – recyclage, animée par le soleil dans les conditions naturelles de l’évolution des sols, a permis de stocker une part toujours plus importante de carbone dans les sols.

transition énergétique et médiatique ?

Tout le monde se réclame de la «  transition énergétique », qu’est-ce qui se cache derrière ce vocable ?

Le fait même de le prononcer donne un bon point et élève ceux qui l’emploient au pinacle de la bonne conscience !

Le mot « paix « a bénéficié en son temps de la même aura ,on décerna (et c’est pas sur que ça s’arrête ) des prix Nobel de la paix à des chefs de guerres et leurs sbires au comportement d’assassins notoires .

Les exemples ne manquent pas ,on parle de belles idées par devant , tout en agissant au contraire de que l’on affirme .

Inconstance ou stratégie des états , je pencherai pour la stratégie consciente de la bonne vieille technique de « noyer le poisson » dans » l’eau du bain « …il y a le bébé qu’il faut pas jeter, bref:je mélange tout !

Alors en revenant aux moutons,la transition Énergétique que je préférerais Énergique est une véritable auberge Espagnole ,très utilisée par les politiques de tous bords .

Très pratique , car cela ne mange pas de pain et cela laisse une part de rêve qui manque cruellement dans nos sociétés dites »évoluées » ,qui sont ,soit dit au passage ,les plus polluantes mais néanmoins celles qui discutaillent le plus d’écologie .

Nous sommes tous à la recherche de l’attitude et du discours à adopter pour avoir:bonne conscience .

Le discours remplace au pied levé l’action avec bien moins d’efforts à fournir et lorsque c’est bien fait cela met le public en émoi ,on s’esbaudit ,on en redemande: si vous en voulez ,on va vous en servir jusqu’à satiété…..Notre pays regorge de ces talents .

Doit-on pour autant promouvoir le mutisme ? que nenni …..Mais de là à faire son miel et à plonger tête première sur ce que l’on nous rabâche dans les médias ,il y a la nuance qui rime avec méfiance .

La grande presse écrite de notre hexagone est sinistrée car elle appartient à des grands groupes industriels qui n’ont qu’une seule chose en tête : le retour sur investissement .Ce retour financier peut prendre des formes diverses , les patrons de presse sont tout sauf philanthropes .

Alors je vais insister énormément pour tirer ma révérence à notre dernier organe de presse : libre local ,

sanspub, informatif , humoristique , irrévérencieux,financièrement pauvre,éditorialement riche

C’est ?..C’est ?? le beau ou la belle ? l’insubmersible GALIPOTE

Qu’on se le dise,réclamez le ,abonnez-vous z’ont besoin de vous et un peu de vos sous ,dans le dernier numéro une respectable place est dédiée à l’écologie et à un tas d’autres choses .